" Un
jour, Stanislas m'a raconté l'histoire d'un jeune homme qui était tombé
amoureux fou d'une princesse. Malheureusement, ce dernier était bien
trop pauvre pour s'attirer d'elle autre chose que de la sympathie.
Désespéré, il lui proposa un marché qu'elle accepta. Pendant cent
nuits, il viendrait sous ses fenêtres attendre son amour. S'il ne
faillait pas une seule nuit alors, la cent et unième, elle serait à
lui.
Le
premier soir, le jeune homme se posta en face des persiennes royales
ainsi qu'il l'avait annoncé. La princesse jeta un regard dans sa
direction et partit se coucher. Le pauvre bougre resta planté là une
deuxième nuit, une troisième, une dixième... L'automne et la pluie
arrivèrent, le jeune homme gardait toujours les yeux rivés sur les
volets clos. Même lorsqu'il grelottait de froid sous la neige, sa
volonté ne faiblissait pas. Cinquante nuits, soixante-dix, à espérer un
signe de la cruelle princesse qui dormait bien au chaud dans ses draps
de soie. Malgré cette indifférence notoire, notre jeune homme sentait
son amour grandir de jour en jour. Il tenait bon, nous étions arrivés à
la centième nuit. Comme de coutume, la princesse souleva les rideaux et
regarda en direction de l'amoureux transi, elle ne parut pas se
troubler plus que d'habitude. Vint la cent et unième nuit. Cette
fois-ci, elle ouvrit grand sa fenêtre. La lune resplendissait et
donnait aux arbres du parc désert des reflets d'argent. Le jeune homme
n'était pas venu. "
Camille de Peretti. Nous sommes cruels.
(J'ai toujours rêvé d'écrire avec une police barrée.)